Fête patronale 2018

À l'occasion de la Fête patronale de février 2018, une équipe de paroissiens a organisé, pour le plus grand bonheur de tous, une soirée : "Sainte Bernadette en musique".

Ce fut l'occasion de belles rencontres humaines, littéraires et musicales.

Étrange rencontre

par Martin Steffens

 

Son regard se fait fuyant, la main touille un café qu'elle boit pourtant sans sucre. Avec pudeur ma petite sœur m'annonce :
"Martin, j'ai rencontré quelqu'un."
Pour détendre l'atmosphère, je fais un peu d'humour :  "Moi aussi, je n'arrête pas depuis ce matin, avec le monde qu'il y a..."

Elle sourit à sa tasse et, quand elle lève enfin les yeux, je comprends que sa vie a changé.
"J'ai rencontré quelqu'un."

La rencontre a quelque chose de vertigineux : à la fois elle conditionne le restant de notre vie, à la fois elle est conditionnée par ses aléas. Une fois advenue, on n'imagine plus qu'elle pût ne pas être:quelle vie serait la mienne sans la femme de ma vie ? Et pourtant l'on sait qu'un retard, une grève de bus, une mauvaise grippe auraient suffi à tout gâter. N'en déplaise aux concepteurs de sites de rencontre, toute histoire commence par les premiers mots de Jacques le Fataliste : "Comment s'étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde."
Georges Bernanos a beau corriger : "Hasard, dit-on. Mais le hasard nous ressemble", il n'en reste pas moins que les tournants de notre vie, ce n'est pas nous qui les prenons, c'est eux qui nous prennent.

"J'ai rencontré quelqu'un" : quelqu'un qui ne sera plus quelqu'un parmi d'autres. Jamais plus on ne le croisera sans écrire avec lui une tranche de notre vie. D'où cette difficile question : si ma vie est suspendue à l'un de ces hasards, dois-je me tenir aux aguets, afin de ne pas rater l'occasion ? Pourtant, ce genre de posture, inquiète ou conquérante, est loin de favoriser la rencontre...

La seule chose qu'on peut, c'est être à la hauteur du hasard .

Répondre à l'appel, quand il retentit, et seulement s'il retentit.

C'est peut-être cela le Carême : ménager dans sa vie l'espace d'une rencontre.

 

Avec l'aimable autorisation du Journal La Croix, texte publié le 27 février 2016

La rencontre

Rabindranath Tagore

par Rabindranath Tagore

 

J'étais allé, mendiant de porte en porte, sur le chemin du village lorsque ton chariot d'or apparut au loin pareil à un rêve splendide et j'admirais quel était ce Roi de tous les rois !

Mais les espoirs s'exaltèrent et je pensais : c'en est fini des mauvais jours, et déjà je me tenais dans l'attente d'aumônes spontanées et de richesses éparpillées partout dans la poussière.

Le chariot s'arrêta là où je me tenais. Ton regard tomba sur moi et tu descendis avec un sourire. Je sentis que la chance de ma vie était enfin venue.

Soudain, alors, tu tendis ta main droite et dis : "Qu'as-tu à me donner ?"

Ah ! quel jeu royal était-ce là de tendre la main au mendiant pour mendier ! J'étais confus et demeurai perplexe ; enfin, de ma besace, je tirai lentement un tout petit grain de blé et te le donnai.

Mais combien fut grande ma surprise lorsqu'à la fin du jour, vidant à terre mon sac, je trouvai un tout petit grain d'or parmi le tas des pauvres grains. Je pleurai amèrement alors et pensai : "Que n'ai-je eu le cœur de te donner mon tout !".

 

Rabindranath Tagore "L'offrande lyrique"

L'homme existe, je l'ai rencontré

par Raymond Devos

 

J'ai lu quelque part : "Dieu existe, je l'ai rencontré !"

Ça alors ! Ça m'étonne !

Que Dieu existe, la question ne se pose pas !

Mais que quelqu'un l'ai rencontré avant moi, voilà qui me surprend !

Parce que j'ai eu le privilège de rencontrer Dieu juste à un moment où je doutais de lui !

Dans un petit village de Lozère abandonné des hommes, il n'y avait plus personne.

Et en passant devant la vieille église, poussé par je ne sais quel instinct, je suis entré...

Et, là, j'ai été ébloui... par une lumière intense... insoutenable !

C'était Dieu... Dieu en personne, Dieu qui priait !

Je me suis dit : "Qui prie-t-il ? Il ne se prie pas lui-même ? Pas lui ? Pas Dieu !"

Non ! Il priait l'homme ! Il me priait, moi !

Il doutait de moi comme j'avais douté de lui !

Il disait : "Ô homme ! si tu existes, un signe de toi !"

J'ai dit : "Mon Dieu, je suis là !"

Il a dit : "Miracle ! Une humaine apparition !"

Je lui ai dit : "Mais mon Dieu... comment pouvez-vous douter de l'existence de l'homme, puisque c'est vous qui l'avez créé ?"

Il m'a dit : « Oui... mais il y a si longtemps que je n'en ai pas vu un dans mon église... que je me demandais si ce n'était pas une vue de l'esprit ! »

Je lui ai dit : "Vous voilà rassuré, mon Dieu !"

Il m'a dit : "Oui ! Je vais pouvoir leur dire là-haut : "L'homme existe, je l'ai rencontré !"

 

Raymond Devos, "Matière à rire", L'intégrale, Éditions Olivier Orban, Paris, 1991

Aimer, c'est tout donner

Un jour, tu verras